dimanche 16 décembre 2012

Écrivain: Jules Supervielle

Nous allons parler d'un autre grand écrivain uruguayen d'origine française qui laissera une empreinte indélébile dans la littérature de ce petit pays. Il fait partie du cercle des grands écrivains franco-uruguayens comme Jules Laforgue (présentation ici) ou Isodore Lucien Ducasse: Jules Supervielle.

La famille Supervielle débarquera en Uruguay vers 1880 au moment de l’arrivée massive d'immigrants français. Le premier qui arrivera à Montevideo fut Bernard, oncle du poète et de sa femme Marie-Anne qui fondèrent la banque Supervielle pour servir les intérêts des immigrants français ainsi que celles des autres communautés.

Celui-ci demandera par la suite à son frère Victor Jules (père du poète) de venir le rejoindre à Montevideo vers 1882/1883. Son père provenait de la ville d'Oloron-Sainte-Marie (Pyrénées Atlantique). Ce qu'il fit tout en se mariant avec sa propre belle-sœur, Marie, sœur de Marie-Anne donc la femme de Bernard...vous me suivez? Cette famille deviendra une grande famille bourgeoise française de Montevideo à cause de la banque.


Jules Supervielle naît à Montevideo le 16 janvier 1884 d'un père béarnais et d'une mère basque. Malheureusement le destin n’épargnera pas cet enfant car lorsque ses parents rentrent en France pour rendre visite à leur famille, il se produira un tragique accident: Son père et sa mère meurent brutalement, sans doute empoisonnés par l'eau d'un robinet vert-de-grisé à Oloron-Sainte-Marie. L'enfant sera élevé par sa grand-mère puis en 1886, son oncle Bernard ramène l'enfant en Uruguay où il l'élève avec sa femme comme s'il était son propre fils.

En 1893 et ce, par pur hasard, il apprendra qu'il n'est que le fils adoptif de son oncle et sa tante. Il commence la rédaction d'un livre de fables sur un registre de la banque Supervielle (il a seulement neuf ans). Il dira cela de sa découverte: "Ce ne fut que quelques années plus tard qu'une parente me montra dans un album les portraits de ceux qui m'avaient donné le jour. Je ne connais pas d'expression plus belle".

En 1894, son oncle et sa tante décident de s'installer à Paris et Jules les suivra. Il y fera toutes ses ses études secondaires. Durant son adolescence, il commence à découvrir la littérature française avec Victor Hugo, Lamartine, Musset, etc. C'est à ce moment que se dessinera sa vocation avec le commencement de ses premiers poèmes en cachette. En 1901, il publie une plaquette de poèmes intitulée Brumes du passé.

Durant son adolescence (de 1901 à 1903), il retournera en Uruguay pour passer ses vacances d’été mais continuera ses études en France en passant son baccalauréat et sa license de lettres. C'est surement durant ses vacances qu'il rencontrera sa future femme car en 1907, il épousera Pilar Saavedra à Montevideo.

De cette union naîtront six enfants entre 1908 et 1929. Finalement en 1912, il s'installera à Paris où il demeurera pendant vingt-trois ans. Mais, très souvent, il traversera l'Atlantique pour se rendre en Uruguay qu'il considère comme sa deuxième patrie. C'est durant les voyages que Jules Supervielle cultive son imagination débordante grâce à ses multiples voyages en Amérique du Sud.

Durant la première guerre mondiale, il est mobilisé mais exercera, entre autre, des activités au ministère de la Guerre, en raison de ses compétences linguistiques. Il continuera à découvrir d'autres poètes comme Claudel, Rimbaud, Laforgue, Whitman, etc.

Cependant, en 1922, il y aura la parution de son premier recueil important de poèmes: Débarcadères. Durant ses longs périples, il fait la connaissance des Gauchos (gardiens de troupeaux - voici mes articles un & deux sur eux), découvre les animaux de la pampa ainsi que sa flore, ses prairies, la vie rurale et rustique.

Il déposera un sujet de thèse en France sur le rôle de la nature dans la poésie sud-américaine. En 1923, il publiera son premier roman fantastique: L'homme de la pampa (el hombre de la pampa) que le poète retranscrit dans toute sa richesse l'expérience physique d'un espace à la fois désertique et plein de vie: "... Entre toutes les bêtes du monde, je le dis comme si vous ne vous étiez pas encore aperçus, j'aime la vache des pampas, - maigre, bâtarde, errante - et qui ressemble si peu à celle de Victor Hugo". (je peux certifier aujourd'hui, que cette même vache n'est plus maigre mais qu'elle est en très bonne santé dans les plaines du pays).

On peut dire que les œuvres de Jules Supervielle, qui deviendra poète, romancier et dramaturge, sera un auteur d'une poésie très personnelle, hantée par l'angoisse de l'absence et le sens du mystère mais la fréquentation de son compatriote franco-uruguayen, Jules Laforgue, le poussa aussi à cultiver l'humour dans: Poèmes de l'humour triste paru en 1919.

En 1924, on assiste à la parution de première nouvelle importante dans la revue Europe: La Piste et la Mare. Puis en 1925, il publie un recueil poétique majeur du XXe siècle intitulé Gravitations bien que celui-ci explora, dans la poésie de ce recueil, le fond le plus obscur de sa personnalité.

Jules Supervielle avec sa femme Pilar Saavedra à Punta del Este en 1907
En 1926 paraîtra le roman: Le voleur d'enfant qui sera aussi adapté au théâtre ainsi qu'au cinéma en 1991 avec Marcello Mastroianni.

En 1931 paraîtra le premier recueil important de nouvelles fantastiques: L’Enfant de la haute mer. Il acquiert à cette époque la reconnaissance de la critique y compris dans sa seconde patrie qu'est l'Uruguay.

Vers 1939 avec la déclarations de la seconde guerre mondiale commencent des années difficiles avec des difficultés financières et une santé chancelante à cause de problèmes pulmonaires et cardiaques. Toute cette accumulation de problèmes et de la guerre amèneront Jules Supervielle à s'exiler en Uruguay durant sept ans ce qui lui inspira des poèmes âpres et mystiques. Supervielle se sentira constamment écartelé entre ses deux patries que furent la France et l'Uruguay. Partout, il se sent exilé et déraciné.

En 1940, la banque de son oncle, la banque Supervielle, fera faillite et le poète se retrouvera ruiné. Toutefois, son activité littéraire sera toujours intense et ses pièces de théâtre (comme la Belle au bois) seront montées par de grands metteurs en scène comme Louis Jouvet. Durant les années 44, il fera une série de conférences à l’université de Montevideo sur la poésie française contemporaine.

En 1946, Jules Supervielle rentre de nouveau en France, ayant été nommé attaché culturel honoraire auprès de la légation d'Uruguay à Paris. Il publie ses premiers contes mythologiques sous le titre Orphée en 1950.
Aux alentours des années 1951, il souffre d'arythmie et des séquelles de son affection pulmonaire. Il fera paraître en 1959 son dernier recueil poétique: Le Corps tragique.

Le 17 mai 1960, Jules Supervielle meurt à Paris et sera inhumé à Oloron-Sainte-Marie. En 1976, sa femme, Pilar Saavedra, meurt à son tour et sera enterrée à côté de son défunt mari dans le cimetière de Sainte-Croix d'Oloron-Sainte-Marie.

Il avait plein d'amis qui l'ont fréquenté comme l'écrivain Henri Michaux qu'il rencontre en 1922 en Uruguay, le grand peintre uruguayen Pedro Figari (son article ici), la poétesse Susana Soca, la photographe Gisèle Freund qui réalise un portrait de Jules Supervielle en Uruguay où elle va se réfugier lorsque la France tombe dans les mains des nazis, Victoria Ocampo, Oliveiro Girondo, le poète espagnol Rafael Alberti qui est l'auteur des plus célèbres versions hispaniques des poèmes de Supervielle.

Portrait de Jules Supervielle de Pedro Figari

En 1990, la ville d'Oloron a créé un prix de poésie Jules Supervielle. Un autre bel hommage rendu à cet artiste se trouve à Montevideo avec le lycée français qui porte le nom de Jules Supervielle.


Voici un de ces poèmes: L'escalier
Parce que l'escalier attirait à la ronde
Et qu'on ne l'approchait qu'avec les yeux fermés,
Que chaque jeune fille en gravissant les marches
Vieillissait de dix ans à chaque triste pas,
-Sa robe avec sa chair dans une même usure-
Et n'avait qu'un désir ayant vécu si vite
Se coucher pour mourir sur la dernière marche;
Parce que loin de là une fillette heureuse
Pour en avoir rêvé au fond d'un lit de bois
Devint, en une nuit, sculpture d'elle-même
Sans autre mouvement que celui de la pierre
Et qu'on la retrouva, rêve et sourire obscurs,
Tous deux pétrifiés mais simulant toujours...
Mais un jour l'on gravit les marches comme si
Rien que de naturel ne s'y était passé.
Des filles y mangeaient les claires mandarines
Sous les yeux des garçons qui les regardaient faire
L'escalier ignorait tout de son vieux pouvoir
Vous en souvenez-vous?

Nous y fûmes ensemble
Et l'enfant qui venait avec nous le nomma.
C'était un nom hélas si proche du silence
Qu'en vain il essaya de nous le répéter
Et confus, il cacha la tête dans ses larmes
Comme nous arrivions en haut de l'escalier.

A bientôt

A noter que pour construire cet article, j'ai puisé de l'info sur internet à droite et à gauche donc je remercie leurs auteurs.

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