En
cognant sur le volant d’une main, l’autre labourant
dangereusement votre cuir chevelu, vous réalisez que le conducteur à
votre droite vous regarde. Votre impatience l’amuse. Est-ce de cela
qu’il parle sur son cellulaire dans sa Renault climatisée? Il a
l’air frais et disposé. Ce n’est pas votre cas. Pourquoi
avez-vous refusé la réduction que l’on vous faisait sur un
climatiseur à l’achat de votre voiture? Pénible souvenir.
L’entonnoir
est encore loin. Un gars à gauche s’énerve et klaxonne derrière
une femme qui n’a pas sauté sur les trois pauvres mètres qui se
libéraient devant elle. Non mais, l'impatience...connaît pas!
Il
vous faut réaliser le ridicule de vos propres réactions. Personne
ne gagne dans un bouchon de circulation. Bon, voilà, vous redevenez
vous-même, enfin. C’est ça, montez un peu le volume de la radio,
cette balade va vous calmer. Et demandez pardon au bon dieu pour
avoir dit des gros mots sans le lui demander.
Le
gars en Renault ne rit plus, il enligne la conductrice d’une Alfa
Roméo décapotable pour qui un bouchon devient une salle
d’exposition. Jouant nonchalamment avec ses longs cheveux bruns,
elle est l’exemple vivant d’une réclame de Vidal Sassoon. Un
petit jeune en Audi, distrait par la démonstration, relâche un peu
trop les freins et heurte légèrement une voiture chintoc. Rien de grave et
surtout trop chaud pour descendre et s’obstiner. Les gros yeux que
lui fait la petite vieille dans sa voiture chintoc suffisent à le refroidir. Vous
commencez à faire connaissance avec votre entourage.
Le
couple dans la Honda pourrait bien mettre un terme à leur vie
commune d’ici les quinze prochains mètres. A part ça, quelques
bons bâillements, du mordillement des lèvres, des monologues
d’impatience, des morceaux sur des airs connus, des regards
indiscrets et, bien sur, le spectacle par excellence de tout bouchon
de circulation qui se respecte: les grandes explorations nasales! Une
activité réservée aux hommes depuis le début des temps.
Incroyable quand même tout ce que l’on peut découvrir dans son
nez. D’où l’impatience et l’importance d’en examiner la
nature comme le fait ce livreur en camionnette.
Le
petit nerveux de tout à l’heure vous demande de le laisser passer.
Le macho en Mercedes a baissé sa vitre et parle à la beauté dans
l'Alfa Roméo. Les futurs divorcés le rappellent vite à l’ordre:
il avance à regret. L’index bien haut dans le nez, le livreur a
jeté un coup d’œil à la brune et est venu couper le petit
nerveux qui ne l’a pas pris, mais absolument pas! Son langage
liturgique est supérieur au votre. Il se fait klaxonner à son tour
par une famille de touristes argentins mêlée dans ses cartes.
Un
son vous glace le sang dans les veines: un camion-remorque vous
demande de suivre le trafic. Tout cela sous les regards amusés des
gars de la compagnie des travaux public. Une idylle semble naître
entre l’Audi et l’Alfa Roméo, au grand désarroi de la Renault.
Mais c’était avant que celui-ci n’aperçoive une blondinette
dans sa Ford Fiesta.
Un
motocycliste est à vos côtés et vous parle. Avec le bruit des
travaux, vous le comprenez à peine mais vous réalisez une chose
capitale: ce motard-là fait partie de la police des transports
(Policia de transito).
Parfaitement à l’écoute maintenant, vous comprenez enfin que vos
feux arrières ne fonctionnent pas bien et que vous devrez les
regarder. Vous vous en tirez avec un avertissement verbal. Les
narines libérées, le livreur qui a tout vu et tout entendu vous
félicite.
N’eut
été de ce court moment de distraction, vous auriez pensé à
remonter votre vitre à temps et n’auriez pas été aspergé d’eau
par une pièce d’équipement des travailleurs. Vous auriez gardé
les yeux ouverts et n’auriez pas heurté la Renault. La bonne
nouvelle? Après avoir été éclipsée par la blondinette et la
brunette, votre belle tête frisée par l’humidité attire enfin
l’attention d’une belle châtain...
Par
une belle chaleur, c’est un bon petit remontant, non?
Adapté
sur un article de Voir par JFM
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