vendredi 23 mars 2012

L'Uruguay et ses indigènes

Avant l’arrivée des premiers Européens (Espagnols et Portugais) en Uruguay, le pays était occupé par plusieurs peuples amérindiens. On trouvait les Charrúas (qui incluaient les Minuanes, les Bohanes, les Guenoas et les Yaros), les Chanas (qui incluaient les Mocoret, les Timbues et les Beguáe) et les Guaranís. La plupart de ces tribus étaient des chasseurs ou des pêcheurs. La seule exception étant les Chanas qui pratiquaient une forme rudimentaire d’agriculture.

Le peuple Charrúa vivait sur l'actuel territoire d'Entre Rios (la province d'Entre-Rio était une subdivision de l'Argentine située au nord de Buenos Aires, au sud de la province de Corrientes, à l'est de la province de Sante Fé et à l'ouest de l'Uruguay) puis se déplacèrent le long du Río Paraná. Finalement, ils s’établirent sur les côtes du Río de la Plata et du Rio Uruguay (actuel territoires du Brésil et de l'Uruguay). Ils pratiquaient le troc avec des tribus voisines de qui, ils obtenaient des récipients de céramique et de terre cuite, du coton et du maté. On argue que les Charrúas pratiquaient un "système humaniste" où la propriété résultait d'un bien communautaire.


Le peuple Chana, quant à lui, se trouvait au confluent du Río Negro et du Río Uruguay ainsi que sur les côtes et les îles de l'Entre-Rios et les îles du Delta du Paraná en Argentine.

En général, les demeures de ces indigène consistaient en une simple structure de 4 bâtons enfoncés dans la terre sur lesquels on plaçait des traverses horizontales. Sur les côtés, ils attachaient des nattes de joncs ou totoras (roseaux) pour se protéger du vent. Durant les époques plus froide ou pluvieuse, ils ajoutaient d'autres nattes afin de former un toit bien résistant. Le toit était souvent arqué ou voûté grâce aux branches arrondies.

 Déjà à partir du XVIIIe siècle, et avec l'apport du bétail bovin et chevalin, ils commencèrent à remplacer les nattes par des peaux de cuir mais garderont toujours la structure de leurs habitations avec des joncs.

À la suite des voyages de Juan Días de Solís (1470-1516), qui débarqua le premier sur le sol uruguayen en 1516, puis suivi de Fernand de Magellan (v. 1480-1521), les Espagnols et les Portugais décidèrent de poursuivre l'exploration des terres découvertes par leurs illustres prédécesseurs. Mais les tentatives de colonisation européenne furent, durant de longues années, découragées par les Charrúas qui étaient les seuls habitants indigènes et le peuple le plus important qui vivaient encore à l'arrivée des Européens. On appelait ces gens des Indios ou Indígenas.

Charrúa peint par J-Baptiste Debret (1768-1848)
Les Charrúas opposèrent une forte résistance contre la colonisation espagnole entre autre. Les Charrúas ont vraisemblablement continué à se battre contre les troupes de José Gervasio Artigas, les Espagnols mais aussi contre les Portugais. Cette épopée de l'opposition à la conquête espagnole par ce peuple a donné lieu à de nombreux ouvrages littéraires, comme Tabaré écrit par Juan Zorilla de San Martin. Malgré leur farouche résistance, les tribus indigènes qui occupaient le territoire de l'actuel Uruguay furent aussi en partie décimées en raison des épidémies de variole amenées par les Européens.

Puis petit à petit, les Charrúas furent surnommés les "Salsipuedes (ou ''sauve-qui-peut'' en français) à cause de leurs technique de combat qui consistaient à prendre l'ennemi par surprise et de partir ensuite.

Il faut rajouter à tout cela un bouleversent complet du territoire sauvage de l'Uruguay au moment de l’arrivée des Européens avec leurs troupeaux de vaches, moutons et de chevaux. Ce bouleversement touchera aussi l'habitat, la démographie et les coutumes indigènes de ces tribus. Malheureusement, la plupart des Charrúas seront massacrés par les hommes de Bernarbé Rivera (frère du général Fructuoso Rivera) durant ce qui fut appelé le ''massacre de Salsipuedes'' le 11 avril 1831 (entre Tacuarembó et Río Negro). A l'origine, cela devait être une rencontre amicale avec les Charrúas.

La persécution des Charrúas ne s’arrêtera pas au ''massacre de Salsipuedes''. Bernabé Rivera aura une insistance spéciale de trouver et d'exterminer ceux qui ont réussi à échapper du premier massacre. Il attaquera à plusieurs reprises des groupes d’amérindiens dans des embuscades. Le 16 juin 1832 , il localisa un petit groupe de Charrúas dans un canyon appelé Yacaré-Cururú. Mais dans cette embuscade, les Charrúas tueront Bernabé Rivera entre autre.

Ces massacres n’empêcheront pas par la suite, à ce que le général Fructuoso Rivera devienne le premier président de l'Uruguay constitutionnellement élu et c'est sous son mandat que le plus grand nombre d’émigrants d'Europe arrivera en Uruguay grâce à des incitatifs. L'extermination devait être totale, mais il y eut quelques survivants qui furent amenés à Montevideo pour y servir d'esclaves.

En 1832, on envoya quelques-uns des derniers Charrúas (une femme: Guyunusa et trois hommes: Senaqué, Tacuabé et Vaimaca Pirú) à Paris afin qu'ils soient ''étudiés'' par des scientifiques.

En réalité, ils furent placés dans une cage ''afin d’être exhibés à la curiosité publique'' dans une ruelle proche des Champs Élysée lors d'une ''exposition'' inaugurée le 13 juin 1833 par une société française constituée pour l'occasion, devant un notaire de Montevideo. L'exposition de ces indigènes n'eut finalement que peu de succès mais aucun d'eux ne reviendra dans son pays. Guyunusa fut le dernier membre Charrúa qui mourut à l'Hôtel-Dieu de Lyon le 22 juillet 1834. Leurs squelettes furent conservés ainsi que des organes dans des bocaux, des fragments de peau et des moulages des trois corps, durant 170 ans dans les caves du laboratoire d'anthropologie biologique du Palais de Chaillot.

La dépouille du chef Vaimaca Pirú fut finalement envoyée de France vers l'Uruguay en 2002 avec l'accord du président Chirac. Aujourd'hui, il est enterré au Panthéon National qui se trouve au cimentière central de Montevideo.

De nos jours, la toponymie uruguayenne a conservé un grand nombre de dénominations Charrúas telles que: Arapey, Arerunguá, Guayabos, Queguay, Tacuarembó, Tiatucura, etc. Même le nom du pays, Uruguay, proviendrait de la langue parlée par les Charrúas.

D'après Félix de Azara (1746-1821), un ingénieur et naturaliste espagnol, ce nom désignerait un petit oiseau nommé ''el urú'' qui vit sur les rives du Río Uruguay lequel signifie lui-même ''rivière du pays de l'urú'' (ou río del país del urú). Cependant, l'un des contemporains de Azara, affirma plutôt que le mot Uruguay est constitué de deux éléments: uruguá signifiant ''escargot'' et le '' ï '' signifiant ''rivière'' ce qui se traduirait alors par ''rivière des escargots'' ( ou río de los caracoles). D'après le poète uruguayen Juan Zorrilla de San Martín (1855 -1931), il s'agirait plutôt de "Río de los pájaros pintados'', c'est-à-dire le ''fleuve des oiseaux peints''. A vous de choisir!

Aujourd'hui, cette histoire sur ces tribus indigènes a presque été rayée du pays dans la vie de tous les jours. Pourtant, les enfants doivent apprendre l'histoire de ces peuplades dans leurs livres scolaires.
On trouve bien ça et là des artefacts, des costumes de ces tribus ou quelques explications dans quelques petites salles de musée ou maison de la culture mais il faut vraiment les chercher. On trouve quelques monuments ou statues (comme ci-dessous) au souvenir de ces peuplades mais généralement, ces monuments ne sont pas sur les artères principales ou des places principales comme MONSIEUR Artigas.

Pour le moment, j'ai trouvé une petite salle sur des outils et des armes (lances, couteaux, boleadoras) de ces tribus à la Casa de la Cultura de Minas (joliment bien présenté) et une carte migratoire de ces tribus ainsi que deux mannequins (qui font plus peur aux enfants qu'autre chose) qui représentent un couple indigène au Museo del Hombre y del Tecnología de Salto.

Puis finalement, une toute petite salle avec des artefacts au Museo Histórico Nacional de Montevideo. Ce qui est incroyable est que ce Museo est connu aussi comme la Casa de Fructuoso Rivera...ce qui est un comble quand on sait ce qu'a fait son frère avec les indigènes mais je laisse aux gens d'en penser ce qu'ils veulent.

Donc, il n'existe pas de réellement un musée dédicacé à ces ''premières nations'' qui pourrait rassembler la totalité de l'histoire de ces peuples. Même le musée d'anthropologie de Montevideo (la maison qui abrite le musée est jolie mais le musée en lui-même est assez décevant et pauvre en présentation donc pas besoin de se déplacer) a quelques pièces. Il existe bien un musée du Gaucho à Montevideo donc pourquoi pas un sur ces peuples?. Pourtant , les descendants métis des Charrúas forment 8% de la population uruguayenne (le nombre d'amérindiens, quand à lui, n'est pas connu mais on pense que c'est proche de zéro)

Même pour les langues de ces tribus, dont on garde des dénominations, elles n’existent pas pour l’État. De toute façon, il n'existe pas de loi de défense concernant les indigènes. On ne compterait que quelques centaines de locuteurs pour l'ensemble des deux langues amérindiennes en voie d'extinction (Chana et Charrúa). Par conséquence, toute loi de ce genre risquerait de toute façon d'être symbolique dans son application car non seulement il est impossible de savoir le nombre exact de ces locuteurs de ces langues mais il se peut aussi qu'il n'en existe plus aucun. Il est plus aisé de trouver en Uruguay des gens parlant le russe ou l'arménien que des survivants d'une langue amérindienne.

Il existe une association des descendants de la Nation Charrúa dans la ville de Trinité (Uruguay) et le Ministère d’Éducation et de la Culture a convoqué les familles de descendants afin de revendiquer les racines indigènes.

Le parlement uruguayen a passé un projet de loi (loi numéro 18589) qui déclare le 11 avril de chaque année comme "le Jour de la Résistance de la Nation Charrúa et de l'Identité Indigène" depuis seulement 2009. Mais l'Uruguay demeure quand même l’un des rares pays de toute l’Amérique latine à avoir si peu d'indigènes.

Maintenant, si après avoir lu cet article, vous vous dites que ces ''uruguayens'' ont massacré ces indigènes (on parle plutôt de l’époque coloniale), vous vous apercevrez que le même genre de problème avec les premiers habitants s'est passé dans de nombreux pays comme les premières nations (indiens, métis et inuits) au Canada, les premières nations aux USA, les aborigènes en Australie, les Maoris en Nouvelle-Zélande et j'en passe. Malheureusement, on s’aperçoit que la conquête d'un pays ou d'un continent par des intrus s'est souvent faite aux détriments de ceux qui vivaient là depuis des centaines d’année et surtout des conquêtes le plus souvent qui se faisait dans le sang et la mort. On se demande si on a bien donné le mode d'emploi du cerveau à l’être humain par moment...

A la prochaine

2 commentaires:

  1. Bonjour, j'ai trouvé votre blog par hasard et j'ai passé long temps à le lire. Je trouve que vous faites un blog formidable. J'ai juste une remarque à faire, Artigas ne se battait pas contre les charruas, ils étaient alliés.
    Continuez à écrire sur ce beau pays, ce que vous faites est remarquable. A bientôt. GMB (Paris)

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  2. Bonjour,

    En lisant les commentaires des historiens d'ici, c'est un peu confus car on a deux versions qui s'affrontent donc vous pouvez avoir raison en disant que les Charruas étaient des allies d'Artigas. J'aurais appuyé votre version aussi car on voit des peintures de l’époque dans certains musées qui représentent des troupes Charruas avec celles d'Artigas lors de batailles. Malheureusement ils tomberont par la suite sur les frères Rivera, ce qui va les faire disparaître du pays presque totalement. Merci de me lire et de votre commentaire.

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