mardi 7 août 2012

L'épopée de l'Aéropostale en Uruguay

Dans les années 1920, on parla énormément et souvent de l'Aéropostale avec ses célèbres pilotes dont Jean Mermoz, Henri Guillaumet et Antoine Saint-Exupéry furent de dignes représentants. Ce qu'on oublie de dire par moment est que ces pilotes passèrent par Montevideo ou plutôt exactement par l'aérodrome de Pando. Pando est un village qui se trouve environ à 1 heure de Montevideo par bus.

De plus, en me promenant du côté de Villa Biarritz dans le quartier de Punta Carretas, on trouve une petite place avec une plaque au nom de Jean Mermoz, ce qui me fit souvent poser la question du pourquoi de cette plaque ici. Finalement, un journaliste m'aidera à trouver la réponse avec un article qu'il publiera sur l'histoire de ces hommes et de la relation avec Pando. J'ai traduis cet article tout en y rajoutant certaines informations que j'ai pu glaner à droite et à gauche.

En novembre 1918, à peine la Première Guerre mondiale finie, un industriel de Toulouse (ma ville!!) appelé Pierre Georges Latécoère (né le 25 août 1883 à Bagnères-de-Bigorre et mort à Paris le 10 août 19430), fabriquant d'avions, va créer une ligne de courrier aérien.


A ses débuts, la ligne Latécoère allait seulement sur l'Espagne (Toulouse-Barcelone), mais en 1922, cette ligne commencera à s’étendre vers l'Algérie qui était une colonie française à cette époque puis Casablanca au Maroc. En 1925, une autre ligne sera créé afin de relier Dakar au Sénégal après une longue traversée par la côte désertique africaine.

Plus d'une fois, les équipage qui eurent des accidents au-dessus de l'Afrique du nord furent pris en otage par des Maures (guerriers arabes du désert) et libérés en échange d'argent. Ce fut le cas du légendaire Jean Mermoz en 1926 et de l'uruguayen Tydeo Larre Borges en 1927 (je parle de lui en bas de cet article). Malheureusement, d'autres pilotes furent moins chanceux et furent assassinés. C’était les risques du métier à cette époque.

Les responsables de Latécoère utiliseront un de leurs pilotes nul autre qu'Antoine de Saint-Exupéry pour parlementer avec les Maures car il était reconnu comme un pilote important et un bon négociateur.

Dès le commencement en tant que dirigeant d'entreprise, l'objectif de Pierre George Latécoère (ci-contre) a été d'acheminer le courrier jusqu'en Amérique du Sud. Les avions volaient chargés en courrier jusqu'à Dakar. De là, des bateaux rapides traversaient l'Atlantique jusqu’à Natal au Brésil. De Natal, on chargeait de nouveau des avions afin de se diriger vers la pointe du continent sud américain. Comme on peut voir, les grandes compagnies de courrier americaines ou européennes de nos jours n'ont absolument rien inventé mais plutôt copier ces modèles du passé.

Mais Pierre Latécoère perdra une majorité de son entreprise postale en 1927 en proie à des tracas matériels et lassé aussi des difficultés rencontrées en Amérique du Sud. La compagnie sera contrôlée à 93% par un banquier français résidant au Brésil du nom de Marcel Bouilloux-Lafont (né à Angoulême le 9 avril 1871 et mort à Rio de Janeiro le 2 février 1944). Suite à cette prise de contrôle, Marcel Bouillox-Lafont baptisera la compagnie: Compagnie Générale Aéropostale.


Les pilotes de Latécoère passeront pour la première fois en Uruguay en janvier 1925 dans deux petits biplans Breguet 14 avec à leur tête les pilotes Joseph Roig, Hamm et Vachet. Avec ces deux avions, ils exploraient les distances et le trajet pour la création d'une ligne postale régulière Natal-Rio de Janeiro-Buenos Aires.

Finalement, la création de cette ligne régulière sera inaugurée le 1er novembre 1927 avec une escale à Montevideo et fut appelé la "Ligne Mermoz". Cette ligne sera la plus longue du monde puisqu'elle fera 13.000 kilomètres et les avions tourneront jour et nuit (assez périlleux à cette époque!). Pour vous montrer la logistique de cette ligne: une lettre envoyée de Paris pouvait arriver à Buenos Aires en huit jours et demi tandis qu'une lettre envoyée par bateau pouvait mettre jusqu’à deux semaines si tout se passait bien. On peut dire que c’était la grande époque de l'aviation.

Un Laté 28 au-dessus de Rio de Janeiro
Les Français de l'Aéropostale faisaient escale sur l'aérodrome de Melilla créé en 1920 sur l'initiative, entre autre, du journaliste Ángel Adami (1879-1945) qui fut un pionnier de l'aviation civile en Uruguay. Il fut le responsable de l'ouverture de plusieurs aérodromes en Uruguay. 

Tout de suite après, l'Aéropostale va acquérir un champs de 124 hectares près de Pando qui servira d’aéroport. Une maisonnette sera construite pour le télégraphiste et un hangar sera monté à partir de pièces détachées rapportées de France. Jean Mermoz, le pilote étoile, atterrira à Pando en août 1928 pour la première fois.

Antoine de Saint-Exupéry, quand à lui, s'installera à Buenos Aires comme représentant de l'Aéropostale en octobre 1929. Deux choses que je ne savais pas est que d'une, c’était un coureur de jupons tenace et de deux, il vécu à Buenos Aires entre 1929 et 1931, ce qui lui permettra de faire des vols vers l’aérodrome de Pando assez régulièrement. Sa chronique romancée ''Vol de nuit'' (1931) se base sur ses expériences en Argentine.

La ligne postale s’étendra sur l'Argentine, le Paraguay, le Brésil, le Venezuela, la Bolivie, le Chili et jusqu'à la Terre de Feu qui se trouve être l'extrême sud du continent argentin. Pour voler, l'Aéropostale utilisera des avions Laté 25, 26 et 28 (fabriqués par Latécoère) qui étaient plus modernes et plus sécuritaires que les vieux Breguet. Dans les années 30, la Compagnie Générale Aéropostale avait plus de 200 avions, 17 hydravions, etc.

Mermoz et deux de ses compagnons traverseront finalement l'Atlantique entre Dakar et Natal, au Bresil, le 12 mai 1930 dans un hydravion Latécoère. Ce vol deviendra la marque de commerce de l'aventure postale moderne, bon marché et rapide.

La Grande Dépression internationale qui sévira en 1929 sera impitoyable avec l'Aéropostale comme beaucoup d'autres choses. La compagnie fera faillite en 1931 alors qu'elle comptait environ 1.500 employés dont 51 pilotes du calibre de Saint-Exupéry, Guillaumet, etc. Elle continuera à opérer avec des fonds publics ce qui donnera lieu à un scandale. Notons aussi le refus du monde politique français à cette époque de soutenir l’Aéropostale. Il y avait sans doute des intérêts nationaux en jeu plus important pour les politiciens car comme par hasard, en 1933, la Compagnie Générale Aéropostale sera intégrée avec cinq autres compagnies afin de créer la compagnie étatique Air France.

Mais la concurrence s'arma en Amérique du Sud avec des rivaux écrasants comme la Pan American Airways créé en 1927 par Juan Terry Trippe et une constellation de lignes contrôlées par l'allemande Deutsche Luft Hansa Aktiengesellschaft (ou Lufthansa).

Les vols de l'Aéropostale-Air France entre le Brésil et le Buenos Aires deviendront des vols directs. L'aérodrome de Pando sera déserté par la nouvelle compagnie mais fut à la naissance de l'actuel Aérodrome Militaire José Artigas, proche de l'Escuela Militar de Aeronáutic (École Militaire de l'Aéronautique) en 1937. Le vieux hangar français a été réaménagé et sert, aujourd'hui, de gymnase.

L'histoire du courrier postal français en Amérique du Sud et de ses pionniers finira en 1939, avec le commencement de la Deuxième Guerre mondiale. Malheureusement, ni l’Aéropostale, ni Marcel Bouilloux-Lafont ne profiteront de l'extraordinaire position de force que cette entreprise courageuse avait su acquérir dans le continent sud-américain grâce à tous ses hommes qui prirent des risques fous mais qui étaient tous des férus de l'aviation. Leurs noms: Vachet, Mermoz, Delauney, Saint-Exupery, Hamm, Guillaumet, Daurat, Reine, Antoine, Serre, Collenot, Dabry, Gimié, Deley, Pichodou, Ezan, Cruvelhier, Lavidalie, etc...

Jean Mermoz disparaîtra au-dessus de l'océan Atlantique le 7 décembre 1936 en direction de Natal au Brésil sur un vol de courrier postal. Son avion était un hydravion quadrimoteur Latécoère 300 nommé Croix du Sud.

Antoine de Saint-Exupéry, aristocrate français, poète, écrivain et pilote d'aviation disparaîtra lui-aussi en pilotant un avion durant la Deuxième Guerre mondiale à l’âge de 44 ans.

Henri Gaullimet disparaîtra au-dessus de la méditerranée en se dirigeant vers la Syrie en novembre 1940. Il avait été abattu par erreur par un avion italien.

L'entrepreneur Pierre Georges Latécoère avait dit tout de suite après la fin de la Première Guerre mondiale aux pilotes militaires désœuvrés et sceptiques : "Peut-être que vous croyez que l'aviation est terminée...moi, je crois qu'elle commence". Il a eu raison sur toute la ligne!

Parmi ces fanatiques de l'aviation, on trouve un Uruguayen du nom de Tydeo Larre Borges. Tydeo Borges (1893-1984) était de la ville de Paysandú et fut un officier de l'Armée uruguayenne (brigadier général) formé en France (Écoles militaires d'Istres, d'Avord, de Versailles et de Cazaux). Il fut le pionnier de l'aéronautique militaire en Uruguay tout en essayant de traverser l'océan Atlantique en avion pour la première fois en 1927.

Financé par un comité national, il acquit en Italie un hydravion de marque Dornier Wal. Il nommera son hydravion ''Uruguay'' et partira d'Espagne en direction de l'Amérique du Sud avec trois de ses compatriotes militaires: son frère Glauco, José Luis Ibarra et José Rígoli. En mars 1927, ils ont dû amerrir près de la côte du Sahara espagnol (proche du Cap Juby). Des guerriers Maures les maintiendront en captivité durant huit jours jusqu'à ce que le gouvernement espagnol paye une rançon pour leur libération. Deux pilotes français de Latécoère, Léon Antoine et Marcel Reine agiront comme intermédiaires et ''rachèteront'' les quatre uruguayens.

Tydeo Larre Borges insistera par la suite pour obtenir le sponsoring de Lorraine, défunt fabricant français de moteurs d'avion et l'obtiendra. Entre le 15 et le 17 décembre 1929, il traversera l'Atlantique entre Séville (Espagne) et Natal au Brésil avec un militaire français du nom de Léon Challe. Ils devront réaliser un atterrissage d'urgence avec leur monomoteur du nom de ''l'oiseau blanc'' qui était un Breguet 19. L'atterrissage se fera à Maracuja au Brésil dans une zone de roseaux. Finalement, Larre Borges et Léon Challe, qui avait ete blessé, arriveront enfin à l'aérodrome de Pando dans un avion piloté par Jean Mermoz de l'Aéropostale.

Léon Challe et Larre Borges
Ils seront reçus par une multitude de personnes ainsi que par le président de la République Orientale de l'Uruguay de cette époque, Juan Campisteguy. Aujourd'hui, l'aéroport de Paysandú porte le nom de Larre Borges, premier pilote sud-américain a avoir traversé l'Atlantique. Il existe un minuscule musée à l'aeroport international de Carrasco qui relate quelques brides de sa vie (troisième étage au niveau de la plate-forme).

Voici la plaque de Jean Mermoz à Villa Biarritz


Voila le résumé du passage de l'Aéropostale, peut-être bref, mais qui exista réellement en Uruguay meme si la plupart des gens ont oublié cela.

A bientôt pour de nouvelles aventures

2 commentaires:

  1. Pas mal pas mal, bien documenté!
    je passe l article à un fanatique de l aviation qui s´occupe du fond de documentation (entr autres) du musée de l aviation (à coté du CILINDRO oÙ il y a de superbes pieces et une salle consacrée à l ´aéropostale - A voir!).
    L´année prochaine il va y avoir un vol depuis la France voir le petit film (apres 2 pubs!) sur le site de l observador
    http://www.espectador.com/1v4_contenido.php?id=238093&sts=1

    En 2013 on commémorera aussi les 25 et 26 Janvier 1933 quand Mermoz avait été chaleureusement accueilli par la population de l'époque.

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  2. Je voulais aller visiter ce musée de l'aviation car je l'ai découvert à la dernière minute mais je me suis pointé trop tôt. Puis je suis parti du Cilindro car je trouve que ce n'est pas la meilleure zone. Et j'ai oublié de revenir. Dommage mais quand je reviendrais sur Montevideo en vacance, promis que je ferais ce musée assez peu connu des touristes.

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